mercredi 9 mai 2018

Nouvelles précisions sur la Gestalt-thérapie (neuvième partie) (première partie, Orientation du Moi. chapitre 1, Le point de départ).




Un autre livre sur la Gestalt-thérapie

Des amis m’ont demandé d’apporter des approfondissements sur la gestalt-thérapie, la psychothérapie que je préfère actuellement. J’ai déjà abordé ce sujet à plusieurs reprises dans ce blog. En voici quelques exemples :


Cet article est la suite de celui-ci. 

Le livre de référence sur le sujet est Gestalt-thérapienouveauté, excitation et développement de Frederick Perls, Paul Goodman et Ralph Hefferline.

L’ouvrage est divisé en deux parties distinctes. La première partie porte sur l’orientation du moi et se subdivise en 4 chapitres. Le chapitre 1 définit l’aspect scientifique de la gestalt-thérapie. Le chapitre 2 présente différentes expériences visant à développer ou à accroître chez l’individu sa capacité à entrer en contact avec son environnement. Les chapitres 3 et 4 présentent les différentes techniques de prise de conscience intégrée du soi. La deuxième partie de l’ouvrage porte sur la manipulation du moi. On y retrouve également 4 chapitres qui traitent globalement de 3 types de mécanismes névrotiques à l’origine des troubles psychologiques vécus par les individus. Ces mécanismes sont : la rétroflexion, l’introjection et la projection.

Je vais, pour que vous compreniez bien la démarche de la Gestalt, aborder le thème de la première partie, l’orientation du moi.

Première partie, Orientation du Moi. Chapitre 1, Le point de départ.

Mais quand ceux qui pratiquent la psychanalyse ou ceux qui en ont eu l'expérience en tant que patients emploient ce même terme, ils ne se réfèrent pas aux travaux écrits sur la psychanalyse. Ils veulent parler, au contraire, de ce qui a été, pendant un temps plus ou moins long, une manière de fonctionner qui a modifié leur organisme tout entier.

Un spécialiste ou un expert se conduit de la même façon. Prenons le cas d'un expérimentaliste qui prend connaissance d'une publication faite par un collègue, qui fait des recherches dans un domaine lié au sien. Les diagrammes ou images des instruments employés qui arrêteraient aussitôt le profane, il les comprend parfaitement. Il a lui-même utilisé ces méthodes et en est venu, par des études techniques ardues, à apprécier la nécessité de leur forme apparemment trop compliquée.

La façon de procéder est claire pour lui, les résultats sont nettement exposés et les conclusions qui les suivent sont logiques. Si, à son œil exercé, tout paraît en ordre, il acceptera les nouvelles découvertes et les utilisera, quand l'occasion s'en présentera, pour ses propres recherches.

Mais supposons que, à sa consternation, les conclusions de cette étude portent atteinte à l'une de ses théories favorites. Que fera-t-il ? Il peut entrer vigoureusement dans la lutte et attaquer par écrit l'étude qui le trouble, en exploitant à fond les points faibles qui peuvent s'y trouver. Ou il peut — et si c'est un expérimentaliste chevronné, il le fera — dédaigner le domaine de la polémique verbale et revérifier lui-même l'expérience qui l'embarrasse. C'est d'ailleurs la seule manière de résoudre son problème. Il ne suffit pas de démolir par la parole la publication de son rival, car cette publication est le fruit d'opérations non verbales.

Mais il faut aussi considérer le revers de la médaille. Dans la mesure où les psychanalystes ont voulu ignorer toute critique provenant de ceux qui n'appartenaient pas à leur fraternité ésotérique, ils se sont défendus par une pirouette qui a placé sur le même plan critiques judicieuses et injures gratuites. Mais cela étant, les récents développements qui ont eu lieu en pratique clinique indiquent que la plupart des controverses vont finalement être reléguées dans le passé.

Revenons au sujet précédemment abordé : l'opposition entre l'« expérimental » et le « clinique ». Mettons de côté les origines distinctes de ces deux approches, la physique newtonienne et l'art de guérir, et examinons les activités auxquelles se livrent actuellement ces deux écoles.

« Expérience » vient de experiri, essayer. Une expérience est « un essai ou une observation spéciale faite pour confirmer ou infirmer quelque chose de douteux, en particulier un essai dans des conditions déterminées par l'expérimentateur ; un acte ou une opération entrepris pour découvrir un principe ou un effet inconnu, ou pour tester, établir, illustrer une vérité suggérée ou connue ; test pratique ; preuve ».

Selon cette définition, la thérapie de l'entretien est expérimentale. Considérons le nombre de « variables » introduites dans le contexte délibérément simplifié de la situation thérapeutique, en comparaison de la complexité de la vie quotidienne. Le médecin et le patient sont seuls dans une atmosphère dépourvue de distractions. Les impératifs temporels habituels sont suspendus et, pour la durée de la séance, il y a disponibilité totale. Pendant une certaine période, la société se réduit à deux personnes. C'est une authentique société, mais durant cette heure, on est hors des pressions sociales habituelles, et les pénalisations qui, d'ordinaire, accompagnent un « mauvais comportement » n'existent plus. A mesure que l'expérience de thérapie se poursuit, le patient ose de plus en plus être lui-même. Il exprime ses pensées les plus secrètes que, jadis, il n'aurait même pas admis lui-même. Fluides et changeants, différents d'heure en heure ou de stade en stade, dans le processus total, ces phénomènes ne sont pas fortuits ni imaginaires. Ils sont prévisibles quand le décor est propice et les séances conduites avec habileté.

Outre cet aspect, l'interview thérapeutique est expérimentale à tout instant, dans le sens du « essayons et on verra ce qui va se passer ». On apprend au patient à s'expérimenter lui-même. («  Expérimenter » vient de la même source latine — experiri, essayer — que le mot « expérience », et le dictionnaire lui donne précisément le sens que nous entendons ici, « vivre un ou des évènements »).

Le thérapeute joue alors le rôle de ce que le chimiste appelle un « catalyseur », l'élément qui précipite une réaction qui ne se produirait peut-être pas autrement. Ce qui ne signifie pas qu'il prescrit la forme de la réaction — qui dépend des propriétés intrinsèques du matériel présent —, ni qu'il entre dans le composé qu'il aide à former. Il ne fait que déclencher un processus, et certains processus, une fois entamés, sont autocatalyseurs. C'est, pensons-nous, le cas en thérapie. Ce que le médecin déclenche, le patient le poursuit par ses propres moyens.

Le traitement terminé, ce qu'on appelle un « cas réussi » n'est pas une guérison dans le sens d'un produit fini. C'est un individu qui possède à présent les outils et l'équipement nécessaires pour affronter les problèmes qui peuvent survenir. Il a gagné plus d'espace qui lui permettra de travailler sans être encombré par des bribes et des fragments de situations inachevées.
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Dans le cadre de cette formulation, les critères des progrès thérapeutiques cessent d'être matière à discussion. La question n'est pas d'augmenter le degré d'« acceptation sociale » ou d'amélioration des « relations interindividuelles », telles qu'elles sont vues à travers les yeux de quelque autorité étrangère ou imposée, mais plutôt de donner la chance au patient de renforcer son énergie et de parvenir à un fonctionnement plus efficace. Bien que les autres, à coup sûr, puissent noter le changement, leur opinion favorable sur ce qui est arrivé n'est pas le critère de la thérapie.

Cette thérapie est flexible et en elle-même une aventure vitale. Le travail ne consiste pas, comme on le croit trop souvent, pour le médecin à « découvrir » ce qui ne va pas chez le patient puis à le « lui dire ». On n'a pas cessé de « lui dire » toute sa vie ce qu'il fallait faire et, dans la mesure où il a accepté ce qu'on lui a dit, il n'a cessé de « se le dire » à lui-même. Qu'on lui « dise » une fois de plus, même si cela vient d'un médecin auréolé de toute son autorité, ne produira pas de miracle. Ce qui est essentiel, ce n'est pas que le thérapeute apprenne quelque chose sur le patient pour le lui enseigner après, mais que le thérapeute enseigne au patient comment faire pour apprendre quelque chose sur lui-même. Cela implique qu'il devienne directement conscient de la manière dont, en tant qu'organisme vivant, il fonctionne vraiment sur la base d'expériences qui sont elles-mêmes non verbales.

Qu'on puisse parvenir à cette réalisation, certains développements dans des domaines avancés de la pratique clinique l'ont démontré sans conteste ces dernières années. Ce n'est pas le travail d'un seul homme ou d'un seul groupe d'hommes, et il n'a en aucune façon atteint le sommet de sa trajectoire.

Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.

Nouvelles précisions sur la Gestalt-thérapie (huitième partie) (première partie, Orientation du Moi. chapitre 1, Le point de départ).





Un autre livre sur la Gestalt-thérapie

Des amis m’ont demandé d’apporter des approfondissements sur la gestalt-thérapie, la psychothérapie que je préfère actuellement. J’ai déjà abordé ce sujet à plusieurs reprises dans ce blog. En voici quelques exemples :


Cet article est la suite de celui-ci 

Le livre de référence sur le sujet est Gestalt-thérapienouveauté, excitation et développement de Frederick Perls, Paul Goodman et Ralph Hefferline.

L’ouvrage est divisé en deux parties distinctes. La première partie porte sur l’orientation du moi et se subdivise en 4 chapitres. Le chapitre 1 définit l’aspect scientifique de la gestalt thérapie. Le chapitre 2 présente différentes expériences visant à développer ou à accroître chez l’individu sa capacité à entrer en contact avec son environnement. Les chapitres 3 et 4 présentent les différentes techniques de prise de conscience intégrée du soi. La deuxième partie de l’ouvrage porte sur la manipulation du moi. On y retrouve également 4 chapitres qui traitent globalement de 3 types de mécanismes névrotiques à l’origine des troubles psychologiques vécus par les individus. Ces mécanismes sont : la rétroflexion, l’introjection et la projection.

Je vais, pour que vous compreniez bien la démarche de la Gestalt, aborder le thème de la première partie, l’orientation du moi.

Première partie, Orientation du Moi. Chapitre 1, Le point de départ.

Restreindre les études à des situations susceptibles d'être reproduites représente une limitation sévère pour ceux qui considèrent la psychologie comme l'étude des nuances de la personnalité.

À cela, l'expérimentaliste répondra que la science ne peut pas se préoccuper de l'unique. Qu'elle cherche, au contraire, à préciser les circonstances dans lesquelles on peut prédire le plus sûrement possible un événement donné. Quand il devient possible de le faire d'une manière suffisamment détaillée, la prédiction devient une forme de contrôle et l'événement peut alors être reproduit à volonté. Toutefois, certains événements d'une grande complexité peuvent rester obstinément hors du contrôle scientifique direct et ne pas dépasser le stade de la prédiction plus ou moins précise.

Notons en passant que si l'être humain est l'objet d'étude, alors, toute prédiction ou contrôle de son comportement, dans le sens de l'expérimentaliste, est entre les mains d'un individu chargé du rôle de metteur en scène dans son théâtre d'action. Que le metteur en scène soit en même temps l'individu manipulé n'ajoute rien si ce n'est un changement géographique du contrôle, et ne représente qu'un cas spécial dans une formulation plus générale.

Les expérimentalistes pressés de mettre en application leurs découvertes affirment que nous abordons l'ère de la « programmation humaine », déjà mise en pratique sur une base organisée, dans des domaines tels que la propagande, les relations publiques, la publicité, le management du personnel et les tendances des divers « groupes d'action ». Ce qui est dommage, disent les expérimentalistes, c'est que ces applications se fassent rarement dans l'« intérêt social ». Mais, ajoutent-ils, quand on forge un nouvel outil, ce n'est pas la faute de l'outil ni de celui qui l'a inventé s'il est mal utilisé. Le problème consiste à élargir la « programmation humaine » de telle manière que l'on puisse contrôler aussi les motivations de l'utilisateur de l'instrument. Ce qui implique une hiérarchie de contrôleurs des contrôleurs, coiffée tout en haut par un « superprogrammeur ».

Quant à l'individu, on l'encourage à être, dans une certaine mesure, son propre « programmeur ». En manipulant les situations dans lesquelles il a observé de sa part des réactions désirées ou non désirées, il peut apprendre à réagir ou à ne pas réagir à volonté. De tels instruments de « self-control » sont parfaitement praticables, comme nous le verrons plus tard dans le cas de l'« autoconquérant ». Le revers de la médaille, c'est que ce « programmeur » de la personnalité sera une partie chargée du reste, manœuvrant ce dernier selon la conception qu'il a de son propre intérêt. Ce qui, de par la nature même de cet arrangement — comme nous essaierons de le montrer plus tard —, serait arbitraire et en désaccord avec les besoins fondamentaux de l'espèce.

Les hypothèses de la « programmation humaine » rappellent Le Meilleur des mondes de Huxley. Et là, même avec tous les bénéfices de la technologie utopienne, il faut se rappeler que, par mesure de précaution, il avait estimé judicieux d'enfermer dans un coffre les œuvres de Shakespeare et autres reliques aussi incendiaires, de peur que l'équilibre social si laborieusement atteint ne soit remis en question.

Voyons maintenant plus en détail la situation selon le point de vue du clinicien. Sa préoccupation, comme nous l'avons déjà dit, a toujours été la thérapie, mais nous n'allons pas ici passer en revue l'historique de la psychothérapie. (Sa pratique en tant qu'art est aussi vieille que notre civilisation, et ses méthodes aussi variées que l'ingéniosité ou la folie de l'homme. Nous nous occuperons seulement de la forme moderne, extrêmement élaborée, de psychothérapie où le praticien et le patient s'affrontent seuls et communiquent par la parole. C'est ainsi que nous entendions l'expression « approche clinique », bien que cela ne recouvre pas toutes les applications du terme.)

On associe évidemment le plus souvent à la thérapie de l'entretien le nom de Sigmund Freud. La psychanalyse a, depuis, été modifiée, élargie ou transformée de diverses façons, en particulier par des techniques auxiliaires qui vont bien au-delà de celles dont on disposait dans le passé. Les disciples orthodoxes de Freud, s'ils le pouvaient, restreindraient l'application du terme « psychanalyse » à leur pratique et qualifieraient autrement les différents rejetons, dérivations ou innovations. Mais le contrôle du terme s'est irrémédiablement perdu dans le désordre de l'usage courant. D'un autre côté, certains groupes considèrent que leurs méthodes sont allées tellement au-delà de ce que Freud appelait la « psychanalyse », que ce terme appliqué à leur propre pratique ne convient plus. L'appellation générique, surtout sous sa forme abrégée d'« analyse », est passée dans le domaine public et il faudra du temps pour l'abandonner.

Nombreux sont ceux qui considèrent «  l'approché clinique comme l'antithèse de l'approche expérimentale », à cause de son manque de rigueur et de l'absence d'évaluation quantitative des résultats. Elle s'est embourbée dans des découvertes « subjectives » et a refusé de se transformer quand on l'a vivement rappelée à l'ordre. Elle est restée inébranlée par l'impossibilité de reproduire ses données. Elle a inventé des mots sans crainte et est restée indifférente aux problèmes de définitions opérationnelles. En bref, alors que rares sont ceux qui soutiendraient la thèse que le mouvement psychanalyste tout entier n'est qu'une vaste supercherie, des voix s'élèvent, de divers horizons, pour demander : « Mais est-ce une science ? »

La réponse, évidemment, dépend de ce que l'on entend par science. Si on restreint le terme à ce qui se pratique en laboratoire, avec une stricte rigueur, alors, certainement, la pratique clinique n'est pas une science. Selon ce même critère, cependant, il faudrait retirer le statut de « science » à nombre d'autres domaines d'études, notamment les « sciences sociales ». Le cas échant, leurs travaux se poursuivraient comme avant, bien qu'auréolés d'un prestige amoindri.

C'est le prestige que possède actuellement le mot « science » qui rend nécessaire cette discussion fastidieuse. Il faut croire ce qui est « scientifiquement établi » et rejeter ce qui est « non scientifique ». La psychanalyse jouirait aujourd'hui d'un meilleur statut dans la famille scientifique si elle avait fait usage de cette branche de la « programmation humaine » qu'on appelle les « relations publiques ». Elle aurait peut-être alors été moins brutale dans ses réponses et ses attaques et, là où elle voyait un chat et l'appelait un chat, elle aurait annoncé, quand on lui conseillait de se conduire plus poliment, qu'au deuxième abord, c'était peut-être, après tout, un écureuil.

Elle n'aurait jamais, non plus, affirmé que toute personne n'ayant pas été elle-même psychanalysée n'était pas en mesure de porter un jugement sur sa méthode ou sa théorie. Parmi les protestations que cette affirmation appelle, l'une des plus tempérées est la suivante : « II n'est pas nécessaire de manger l'œuf tout entier pour constater qu'il est pourri. »

Peut-être pouvons-nous clarifier cette discussion, sans toutefois la résoudre. Aux critiques de la psychanalyse qui ne lui opposent qu'un mépris fondé sur des on-dit, nous n'essaierons pas de répondre. Ce qui nous préoccupe, ce sont les critiques sérieuses, informées, émises par des hommes d'une certaine culture scientifique, qui ont évalué la psychanalyse comme un système logique et l'ont trouvé décevant. Il faut d'abord se demander : sur quelles bases fondent-ils leur jugement ? Il semble que leur connaissance de la psychanalyse se limite aux formulations verbales, notamment aux travaux de Freud, et que c'est à ces formulations verbales qu'ils font allusion quand ils parlent de « psychanalyse ».

Mais quand ceux qui pratiquent la psychanalyse ou ceux qui en ont eu l'expérience en tant que patients emploient ce même terme, ils ne se réfèrent pas aux travaux écrits sur la psychanalyse. Ils veulent parler, au contraire, de ce qui a été, pendant un temps plus ou moins long, une manière de fonctionner qui a modifié leur organisme tout entier.


Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.

Nouvelles précisions sur la Gestalt-thérapie (septième partie) (première partie, Orientation du Moi. chapitre 1, Le point de départ).




Paul Goodman

Des amis m’ont demandé d’apporter des approfondissements sur la gestalt-thérapie, la psychothérapie que je préfère actuellement. J’ai déjà abordé ce sujet à plusieurs reprises dans ce blog. En voici quelques exemples :


Cet article est la suite de celui-ci.

Le livre de référence sur le sujet est Gestalt-thérapienouveauté, excitation et développement de Frederick Perls, Paul Goodman et Ralph Hefferline.

L’ouvrage est divisé en deux parties distinctes. La première partie porte sur l’orientation du moi et se subdivise en 4 chapitres. Le chapitre 1 définit l’aspect scientifique de la gestalt thérapie. Le chapitre 2 présente différentes expériences visant à développer ou à accroître chez l’individu sa capacité à entrer en contact avec son environnement. Les chapitres 3 et 4 présentent les différentes techniques de prise de conscience intégrée du soi. La deuxième partie de l’ouvrage porte sur la manipulation du moi. On y retrouve également 4 chapitres qui traitent globalement de 3 types de mécanismes névrotiques à l’origine des troubles psychologiques vécus par les individus. Ces mécanismes sont : la rétroflexion, l’introjection et la projection.

Je vais, pour que vous compreniez bien la démarche de la Gestalt, aborder le thème de la première partie, l’orientation du moi.

Première partie, Orientation du Moi. Chapitre 1, Le point de départ.

L'expérimentaliste comme le clinicien cherchent, chacun avec ses critères de rigueur et d'efficacité, à comprendre le comportement humain. Examinons plus en détail leurs positions respectives pour évaluer dans quelle mesure leurs vues et leurs méthodes se recoupent, car c'est dans ce domaine que se situe notre travail.

Au tribunal, un témoin ordinaire ne peut témoigner que de ce qu'il a vu, entendu ou expérimenté personnellement. On lui refuse le privilège de tirer des conclusions de ses expériences, car, aux yeux de la cour, ses « opinions » sont « hors de propos, sans poids et incompétentes ». Le témoin-expert, en revanche, a le droit d'offrir en témoignage ses opinions sur les aspects de l'affaire qui entrent dans ses compétences professionnelles. Malheureusement, le procès peut alors dégénérer en une bataille d'experts d'avis opposés.

La situation est semblable lorsqu'on demande à des êtres humains de décrire leurs propres processus psychologiques. Ces descriptions diffèrent radicalement d'un individu à l'autre et il n'existe aucune manière de vérifier laquelle (s'il y en a une) est correcte. En cela, l'expérimentaliste a, depuis longtemps, dépassé les tribunaux en éliminant tout témoignage sujet à caution. Pour lui, il n'existe pas de témoin-expert des événements personnels. Il s'ensuit inévitablement qu'en éliminant le seul témoin capable de les décrire, il élimine aussi de sa science toute préoccupation de ces événements personnels en tant que tels.

Dans sa recherche perpétuelle d'objectivité et son besoin de bannir éternellement du royaume de la science tout ce qui est subjectif, l'expérimentaliste pose, en réalité, que tout matériel pouvant être soumis publiquement au regard d'observateurs compétents est une donnée scientifique. Tout ce qui, par nature, est limité à une démonstration privée — même s'il l'accepte en dehors de ses heures de travail — n'entre pas dans le domaine scientifique, parce que ce matériel n'est pas accessible à d'autres observateurs pour confirmation. Selon l'ancienne terminologie, ce qui, dans le « monde extérieur », peut être vu et touché mérite notre confiance, alors que ce qui existe « dans l'esprit » d'un individu est totalement indigne de confiance.

Cette dichotomie entre les domaines public et privé est bien fondée, car il est notoire que les témoignages sont faillibles. Le clinicien, par un curieux retournement, se trouve ici en accord avec l'expérimentaliste, car, tout en écoutant ce que le patient a à dire, il ne considère pas ce matériel comme faits objectifs. Le patient, à son avis, est absolument incapable de raconter une histoire correctement, même à lui-même. Devant ses propres vocalises, le médecin est, peut-être, un peu plus enclin à accorder un certificat de santé.

La conviction de l'expérimentaliste que, dans l'exposition publique réside la sécurité — ou du moins un minimum de risques — n'est pas son apanage. Dans toutes les entreprises où l'enjeu est important et où l'on cherche à établir les faits les plus certains, ou à s'assurer des engagements formels tels que promesses, confessions ou dépositions, on insiste sur la signature, l'attestation, les enregistrements multiples, les scellés, etc. — à tel point que les notaires en vivent. On dit volontiers à un ami : « Quoi que tu fasses, ne le mets pas par écrit », ou si c'est l'ami qui essaie d'obtenir quelque chose de quelqu'un : « Fais leur mettre noir sur blanc. » Quand il règne une telle méfiance, d'ailleurs justifiée, dans les transactions quotidiennes, pourquoi l'homme de science en serait-il à l'abri ?

Les expérimentalistes souscrivent à une autre barrière de sécurité : un chercheur doit publier ses découvertes en détaillant les instruments employés, sa démarche, etc., de telle manière que tout autre chercheur compétent, doutant de ses conclusions, puisse répéter l'expérience. Bien que cela soit rarement fait et, dans de nombreux cas, se révèle impraticable, on peut penser toutefois qu'une telle condition est un frein à la tentation de « cuisiner les données » pour obtenir des résultats plus positifs. Mais cette formalité qui consiste à rendre publiques les conditions dans lesquelles s'est déroulée l'expérience et qui, si elles sont détaillées, permettent de la refaire, est impossible à appliquer quand il s'agit de stipuler les conditions dans lesquelles l'explication de l'esprit d'un individu peut être sujette à vérification.

Restreindre les études à des situations susceptibles d'être reproduites représente une limitation sévère pour ceux qui considèrent la psychologie comme l'étude des nuances de la personnalité.

Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.

Nouvelles précisions sur la Gestalt-thérapie (sixième partie) (première partie, Orientation du Moi. chapitre 1, Le point de départ).





Ralph Hefferline

Des amis m’ont demandé d’apporter des approfondissements sur la gestalt-thérapie, la psychothérapie que je préfère actuellement. J’ai déjà abordé ce sujet à plusieurs reprises dans ce blog. En voici quelques exemples :


Cet article est la suite de celui-ci.

Le livre de référence sur le sujet est Gestalt-thérapienouveauté, excitation et développement de Frederick Perls, Paul Goodman et Ralph Hefferline.

L’ouvrage est divisé en deux parties distinctes. La première partie porte sur l’orientation du moi et se subdivise en 4 chapitres. Le chapitre 1 définit l’aspect scientifique de la gestalt thérapie. Le chapitre 2 présente différentes expériences visant à développer ou à accroître chez l’individu sa capacité à entrer en contact avec son environnement. Les chapitres 3 et 4 présentent les différentes techniques de prise de conscience intégrée du soi. La deuxième partie de l’ouvrage porte sur la manipulation du moi. On y retrouve également 4 chapitres qui traitent globalement de 3 types de mécanismes névrotiques à l’origine des troubles psychologiques vécus par les individus. Ces mécanismes sont : la rétroflexion, l’introjection et la projection.

Je vais, pour que vous compreniez bien la démarche de la Gestalt, aborder le thème de la première partie, l’orientation du moi.

Première partie, Orientation du Moi. Chapitre 1, Le point de départ.

Nous essayons dans ces pages de vous parler comme si nous étions face à face. Naturellement, vous n'avez pas la possibilité, comme dans une situation ordinaire, de parler à votre tour, de répondre, de poser des questions ou de fournir des détails précis sur votre situation personnelle. Et nous, d'un autre côté, avons l'inconvénient de ne pas vous connaître personnellement. Si nous avions connaissance de certains faits vous concernant — âge, sexe, études, profession, succès, échecs, projets, craintes —, sans que cela change fondamentalement ce que nous avons à vous communiquer, nous pourrions modifier notre discours, ajouter ou retrancher, mettre l'accent ici plutôt que là, accélérer le rythme.

Néanmoins, nous pensons que pratiquement tout ce que nous disons s'applique, à quelque degré ou dans une certaine mesure, à tout être humain vivant à notre époque, dans les conditions de la civilisation occidentale. Il vous revient de choisir ce qui est approprié à votre situation, dans ce travail commun.

Puisque nombre de nos vues sur le fonctionnement du moi diffèrent des notions couramment acceptées sur la nature humaine, il est important de comprendre que ce que nous présentons ici n'est pas le « songe » d'une nuit, mais plutôt la fusion de plusieurs lignes d'approche du problème de la personnalité. Pour que cela soit bien clair, il faut dire quelques mots sur le statut actuel de la science de la psychologie.

Les psychologues — et, dans ce terme nous comprenons tous ceux qui mènent des recherches systématiques en vue de comprendre le comportement humain — peuvent être, grossièrement, classés en deux groupes. Les uns tirent fierté de suivre ce qu'on appelle traditionnellement l'« approche expérimentale », pendant que les autres, sans égard à leurs différentes dénominations, sont considérés, particulièrement par les expérimentalistes, comme des disciples de  l’ « approche clinique ». Ces deux groupes ont en commun de s'attaquer au problème fondamental de la compréhension du comportement humain, mais, l'ayant abordé selon des hypothèses différentes, ils ont suivi jusqu'à récemment des voies relativement indépendantes.

Vers la fin du XIX e siècle, au moment où la psychologie se séparait de la philosophie et essayait de s'établir en tant que science, ses disciples n'avaient qu'une obsession : être acceptés comme de véritables hommes de science. En conséquence, ils firent de leur mieux pour appliquer à leur propre domaine les méthodes qui avaient valu leur prestige aux sciences physiques plus avancées et plus anciennes. Pour répondre à l'atome des physiciens, l'unité la plus élémentaire de la matière, ces premiers psychologues s'efforcèrent d'identifier des « atomes » de comportement — c'est-à-dire des éléments irréductibles de l'activité humaine, qui pourraient servir de pierre de touche à des réactions plus compliquées. Ils tentèrent de le faire en copiant autant que possible les méthodes d'analyse expérimentale utilisées en physique. Selon les critères actuels, ces premiers efforts étaient grossiers, mais, en dépit d'une sophistication accrue, les expérimentalistes actuels tendent encore à se montrer ultra-conservateurs dans la sélection des problèmes à étudier. Dans la mesure où ils redoutent de découvrir des données qui ne sont pas immédiatement dénombrables ou mesurables par des techniques déjà éprouvée, leur contribution est relativement restreinte en ce qui concerne les grands problèmes humains, tels que l'émotion et la personnalité. La psychologie, disent-ils, a besoin de mûrir encore cinquante ou cent ans avant de pouvoir s'occuper correctement de ces sujets compliqués.

Il nous faudra revenir un peu plus tard sur la position adoptée par les expérimentalistes, en particulier à cause de son influence sur le problème des preuves scientifiques. En cheminant avec nous, vous serez enclin, de temps à autre, à remettre en question certaines de nos déclarations ; vous nous demanderez : Où sont vos preuves ? Notre réponse, dans la plupart des cas, sera la suivante ; nous n'affirmons rien que vous ne puissiez vérifier par vous-même dans votre propre comportement, mais si votre formation psychologique est celle des expérimentalistes, tels que nous les avons décrits, cela ne vous satisfera pas et vous exigerez à grands cris des « preuves objectives », verbales, avant d'avancer un pas de plus dans le processus.

La plus lourde accusation, portée contre les théories des disciples de I'« approche clinique » reste encore l'insuffisance de preuves. Le clinicien, au contraire de l'expérimentaliste dans son laboratoire, a été obligé, depuis le début, de débrouiller tant bien que mal la complexité du comportement humain, car son travail consistait à guérir, et ses patients n'avaient pas toujours l'amabilité de lui soumettre des problèmes simples. L'urgence des cas qui lui étaient présentés l'obligeait à centrer son attention sur des crises émotionnelles et empêchait son travail d'atteindre les profondeurs qu'exige la science expérimentale — notamment s'attacher assidûment à des tâches simples pour le plaisir d'ajouter des éléments à la liste de ses publications. Néanmoins, le clinicien était submergé par la richesse et la profusion de son matériel. En général, pressé par le temps, habitué par nécessité à jouer aux devinettes, souvent inconscient ou méprisant la passion de l'expérimentaliste pour la vérification, il tissait des théories, bizarre mélange d'intuitions profondes et de spéculations sans fondement. Toutefois, son travail s'est révélé si fructueux que c'est là qu'on peut espérer trouver une solution pour libérer l'homme de l'image déformée qu'il s'est construite de lui-même.

À cause des différences de tempérament, d'enseignement et d'objectifs, l'expérimentaliste et le clinicien se sont toujours regardés avec une méfiance réciproque. Pour l'expérimentaliste, le clinicien apparaissait, en tant qu'homme de science, comme un sauvage non domestiqué, louvoyant aveuglément à travers la théorie et la pratique. Alors que, pour le clinicien, l'expérimentaliste était un obsédé, tristement lié à sa manie de la mesure et qui, au nom de la science, accumulait de plus en plus de détails sur des sujets de moins en moins importants. Récemment, leurs vues ayant convergé sur des problèmes d'intérêt commun, ils ont commencé à se manifester un respect accru et leurs différends les plus aigus sont en train de se résoudre.

Il faut aller au fond de la question qui sépare les expérimentalistes des cliniciens, car ce n'est pas seulement une querelle de famille ; c'est aussi un reflet de la division, dans les croyances et attitudes, qui existe, dans une certaine mesure, dans la personnalité de tous les membres de notre société. Dans la mesure où les processus d'autodéveloppement que nous présentons constituent un amalgame informel mais authentique de techniques expérimentales appliquées à un matériel clinique, il est essentiel que nous exposions clairement ce que nous faisons. Nous ne pouvons, par exemple, ignorer le fait que nous commettons sans vergogne ce qui, pour les expérimentalistes, représente le plus grave des péchés : nous incluons l'expérimentateur dans l'expérimentation !

Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.