vendredi 24 mars 2017

Compte rendu de « Lire dans votre main » de Marc Rousselet (troisième partie)


Une illustration d'un  livre de Desbarolles.

La chiromancie est mon vecteur de cold reading préféré. Pour toutes ces différentes mancies que l’on pratique en cold reading (comme aussi par exemple la numérologie), il est nécessaire qu’il y ait une logique, des principes, je dirais presque une rationalité. J’ai par hasard découvert il y a très longtemps une méthode de lecture des lignes de la main, Lire dans votre main de Marc Rousselet, qui, bien que basée sur des principes ésotériques, est totalement logique. Marc Rousselet est le pseudonyme anagrammatique de Marcel Rouet (1909-1982)  un grand culturiste des années 30 mais aussi un hypnotiseur de renom, auteur du livre Techniques et pratiques de l’hypnotisme.

J’en ai parlé dans un précédent article mais une partie de la chiromanice moderne vient d’Adolphe Desbarolles (1801-1886) qui était un ami proche de l'occultiste Éliphas Lévi.

J’ai expliqué alors une loi occultiste qui est celle de l’unité. Je parlerai à présent d’une deuxième loi qui est celle de l’analogie.

2) La loi d’analogie.

Transposer la loi d’analogie sur le monde qui nous entoure, depuis la cellule humaine jusqu’au monde planétaire, forme l’esprit à un travail de synthèse qui ouvre des horizons infinis, mais utiliser cet enseignement pour la chiromancie, l’étude de la main, donne naissance à une forme de pensée qui ne permet pas seulement d’assimiler d’entrée les principes de l’analyse caractérielle, mais fait remonter aux causalités, occultées pour le profane, des effets que nous observons, tant sur nous-mêmes que dans le monde qui nous environne.

La loi d’analogie s’appliquant au visible, par exemple à notre personnalité physique, fait apparaître l’identité structurale des diverses régions de notre corps.

Examinons d’abord brièvement l’analogie qu’on découvre entre la main, le visage et le corps. Ils se divisent chacun en trois parties et nous verrons que cela correspond à trois mondes différents.

Si vous mettez votre main verticale, la partie supérieure correspond pour le corps à la tête, pour le visage à la partie frontale ; la partie médiane correspond au nez, à la partie moyenne du visage et au thorax ; la base correspond à la bouche, à l’abdomen et à la partie inférieure du corps.

La paume comprend trois parties qui, comme les doigts, représentent trois mondes. La partie haute de la paume correspond à la partie supérieure onglée des doigts, la parie moyenne à la partie moyenne des doigts, la partie basse à la partie basse des doigts, celle qui les relie à la paume.

Précisons tout de suite que du spirituel, la partie haute au matériel, la partie basse, les trois mondes sont représentés, psychique, animique, instinctif ou encore spirituel, respiratoire, instinctif (l’esprit, le cœur, les sens).

3) Main gauche et main droite.

La main gauche est celle des puissances passives. Elle relate en détail les tendances et les prédispositions en même temps qu’elle trace le cours d’un destin dont les phases principales sont clairement indiquées. La main droite est celle des vertus actives. Poursuivant et achevant le récit commencé par la main gauche, dont elle reprend les thèmes dans les lignes majeures, elle ajoute un commentaire personnel, soit en accusant les déficiences et les insuffisances que l’absence et l’indécision de certains traits révèlent, soit au contraire en confirmant les heureuses dispositions et les circonstances favorables qui notifient, avec plus ou moins de clarté et de précision, les signes de résistance ou de redressement.


C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.

Compte rendu de "L'art et la science de se souvenir de tout" de Joshua Foer (huitième partie).


Un livre français sur la mnémotechnie.

Récemment est paru en livre de poche L’art et la science de se souvenir de tout qui est en fait le même livre que l’ouvrage en grand format Aventures au cœur de la mémoire (tous les deux la traduction de Moonwalking with Einstein).

Aventures au cœur de la mémoire est un livre référence dans le monde de la mémoire. Il y est question de l’histoire de la mémoire et de la mnémotechnie, de la naissance des Mémoriades, les Championnats du monde de mémoire, en 1991, mais surtout de la manière dont un journaliste indépendant, Joshua Foer, est devenu champion de mémoire des États-Unis en 2006 alors qu’il ne savait même pas ce qu’était une technique de mémorisation un an auparavant !

Joshua Foer le présente ainsi: « Allongé dans mon lit cette nuit-là, je visitai obsessionnellement chacun de mes palais et me rongeai les sangs au sujet de Maurice. Je fus incapable de trouver le sommeil pendant de longues heures. Comme Maurice lui-même l'avait observé avant le championnat de l'année précédente, l'insomnie d'un athlète mental, « c'est la même chose qu'une fracture de la jambe pour un footballeur juste avant un match ».

Quand je réussis enfin à m'endormir, vers trois heures du matin, aidé par un somnifère léger, je fis un rêve terrifiant dans lequel Danny DeVito et Rhea Perlman (mon roi et ma reine de pique) erraient pendant des heures dans un parking souterrain, juchés sur un poney (le sept de pique), essayant de retrouver leur Lamborghini Countach (le valet de cœur). Finalement, le couple et leur monture se fondirent dans l'asphalte sous l'œil de Maurice Stoll qui poussait un petit rire sinistre de tortionnaire nazi. Je me réveillai après quatre petites heures de sommeil, mort de fatigue, le cerveau en compote, et je me shampouinai par erreur la tête deux fois de suite — sinistre présage, s'il en est un.


Sortant de l'ascenseur au dix-neuvième étage du siège de Con Edison, je tombai d'abord sur Ben Pridmore. Il était venu d'Angleterre pour le week-end parce qu'il avait envie d'assister au championnat américain. À l'aéroport de Manchester, il avait décidé sur un coup de tête de se payer un siège en classe affaires. « Dans quoi pourrais-je bien gaspiller mon argent, sinon ? me dit-il avec un haussement d'épaules.

— En effet », acquiesçai-je en baissant les yeux. Le cuir du dessus de ses chaussures, tout craquelé, se détachait presque des semelles.

« J'ai déjà perdu, annonçai-je à Ben avec dépit. Avant même le début des hostilités ! » Je lui parlai de mes angoisses, de mon insomnie, de mon double shampoing. Il convint que je ne m'étais pas fait de cadeau en avalant un somnifère et il me fit remarquer que les molécules du comprimé se baladaient sans doute encore dans mon système sanguin.

J'avalai deux très grands gobelets de café. La fatigue était passée et j'étais sur les nerfs. Je me sentais vraiment stupide d'avoir bousillé ce dont j'avais le plus besoin pour être performant : ma nuit de sommeil. C'est alors que Maurice entra dans la salle. Il était vêtu d'une chemise à motif cachemire et coiffé d'une casquette des Texas Aggies. Il avait l'air beaucoup plus guilleret que l'année passée. Et terriblement sûr de lui, par-dessus le marché. Il me reconnut et s'approcha pour me serrer la main. Il voulait aussi faire la connaissance du légendaire Ben Pridmore.

« Alors comme ça, vous êtes revenu », me dit Maurice. Ce n'était pas une question. Mince. Ma stratégie, si tant est que j'en aie eu une, était de débarquer en douce au championnat et de prendre Maurice par surprise. Mais il avait entendu parler de moi pendant l'année. Quelqu'un l'avait informé que je m'entraînais avec Ed Cooke.

« Ouais, j'ai eu envie de tenter ma chance », dis-je d'un air désinvolte. Je désignai mon badge, qui disait : « Joshua Foer — Athlète mental. » Et j'ajoutai : «C'est un peu... C'est une sorte d'expérience journalistique. » Puis je soutins le regard de Maurice. J'avais très envie de savoir s'il avait amélioré ses techniques mnémoniques. « Comment sont vos nombres, cette année ?

— Ils sont bons, répondit-il. Et les vôtres ?

— Ça va. Et vos cartes ?

— Pas mal. Vous-même ?

— Avec les cartes, ça devrait aller. Vous utilisez le même système que l'année dernière ? »

Il éluda la question d'un haussement d'épaules et demanda tout à trac : « Vous avez bien dormi ? »


Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous !

Compte rendu de "L'art et la science de se souvenir de tout" de Joshua Foer (septième partie).




Le système Personne, action, objet (PAO).

Récemment est paru en livre de poche L’art et la science de se souvenir de tout qui est en fait le même livre que l’ouvrage en grand format Aventures au cœur de la mémoire (tous les deux la traduction de Moonwalking with Einstein). 

Aventures au cœur de la mémoire est un livre référence dans le monde de la mémoire. Il y est question de l’histoire de la mémoire et de la mnémotechnie, de la naissance des Mémoriades, les Championnats du monde de mémoire, en 1991, mais surtout de la manière dont un journaliste indépendant, Joshua Foer, est devenu champion de mémoire des États-Unis en 2006 alors qu’il ne savait même pas ce qu’était une technique de mémorisation un an auparavant !

Joshua Foer le présente ainsi: « Depuis toujours, il était prévu qu’Ed Cooke viendrait aux Etats-Unis pour le championnat. Peu de temps avant l’évènement, hélas, il s'envola pour l'Australie où l'université de Sydney lui avait offert une chance inespérée de travailler sur la phénoménologie de son sport préféré, le cricket. (D'après Ed, les meilleurs joueurs de cricket illustrent brillamment — encore plus brillamment que les sexeurs de poussins ou les grands maîtres d'échecs — sa thèse selon laquelle notre mémoire modèle et détermine fondamentalement notre perception du monde.) Le voyage de Sydney à New York étant très long et onéreux, Ed n'était plus du tout certain de me rejoindre pour me tenir la main pendant la compétition.

« Que puis-je faire pour atténuer le dégoût que doit t'inspirer cette défection potentielle ? » me demanda-t-il dans un courrier électronique trois jours avant le championnat. L'émotion qui me tenaillait relevait moins du dégoût que de la panique. J'avais beau avoir raconté à mes connaissances que j'abordais l'événement avec toute la distance et l'ironie que l'on a pour une innocente lubie —« C'est juste une façon bizarre et marrante de perdre une matinée de week-end », avais-je dit à un ami —, les blagues que je faisais au détriment de ce « critérium de frappadingues » ne servaient qu'à dissimuler le fait que je tenais mordicus à en sortir victorieux.

Ed ayant décidé de rester en Australie, j'étais donc seul à me faire du mouron au sujet des autres concurrents ; à me demander, notamment, s'ils s'étaient surentraînés pendant l'année et si l'un d'eux se préparait à prendre tout le monde au dépourvu en dégainant une nouvelle technique mnémonique qui élèverait la discipline à un niveau inaccessible pour moi. Je pensais d'abord à Ram Kolli, l'insouciant et joyeux champion en titre qui, je le savais, était le plus talentueux du groupe. S'il avait décidé de bosser aussi dur qu'un Européen, il nous écraserait tous. Pour quelque raison obscure, néanmoins, je doutais qu'il ait assez de volonté pour cela. Je me faisais surtout du mauvais sang à cause de Maurice Stoll. Si quelqu'un était susceptible d'avoir pris le temps de développer un système « PAO du millénaire » équivalent à celui d'Ed — ou un système à deux mille sept cent quatre images, pour les cartes, comme celui de Ben —, c'était bien Maurice.

La veille du championnat, Ed m'envoya un ultime conseil par e-mail : « Tout ce que tu dois faire, c'est savourer tes images. Y prendre vraiment du plaisir. Si tu t'étonnes toi-même de leur puissance et de leur bonté, tu t'en sortiras très bien. Ne te laisse à aucun moment gagner par l'inquiétude. Vas-y tranquille, ignore tes adversaires et amuse-toi. Je suis déjà très fier de toi. Et n’oublie pas : les filles adorent les cicatrices et la gloire est éternelle »

Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous !

Compte rendu de "L'art et la science de se souvenir de tout" de Joshua Foer (sixième partie).





Joshua Foer.

Récemment est paru en livre de poche L’art et la science de se souvenir de tout qui est en fait le même livre que l’ouvrage en grand format Aventures au cœur de la mémoire (tous les deux la traduction de Moonwalking with Einstein). 

Aventures au cœur de la mémoire est un livre référence dans le monde de la mémoire. Il y est question de l’histoire de la mémoire et de la mnémotechnie, de la naissance des Mémoriades, les Championnats du monde de mémoire, en 1991, mais surtout de la manière dont un journaliste indépendant, Joshua Foer, est devenu champion de mémoire des États-Unis en 2006 alors qu’il ne savait même pas ce qu’était une technique de mémorisation un an auparavant !

Joshua Foer le présente ainsi: " Plus tard ce matin-là, pendant que les concurrents s'efforçaient de mémoriser « La trame de mon être », Buzan me prit à part, posa une main sur mon épaule et me demanda : « Vous vous souvenez de notre petite conversation de tout à l'heure ? Réfléchissez-y. Le type que vous verrez là-bas dans un moment, sur l'estrade, le champion de mémorisation des États-Unis, l'année prochaine ce pourrait être vous."

Et l’année d’après, Joshua Foer participa au championnat de mémorisation des États-Unis. Voici ce qu’il nous en raconte :

« Une nouvelle épreuve devait faire son apparition au championnat de 2006 ; c'était une expérience qui n'avait jamais été tentée sur le circuit compétitif. Conçue pour donner satisfaction aux producteurs de HDNet, la chaîne du câble qui devait, pour première fois de l'histoire, diffuser la compétition d'un bout à l'autre des États-Unis, elle avait reçu le nom tarabiscoté de « Trois fautes et adieu la fête ». Cinq hommes et femmes, invités de « fête », monteraient sur scène pour livrer dix types d'information personnelles aux concurrents : leurs adresses, numéros de téléphone, passe-temps, dates d'anniversaire, plats préférés, noms leurs animaux domestiques, modèles de leurs voitures, L'épreuve évoquerait donc une situation plus proche de la réelle que cela n'avait jamais été le cas dans une compétition mémorisation. Je ne savais pas du tout comment m'y préparer et, en toute franchise, je n'y songeai pas beaucoup pendant la grande partie de mon entraînement. Un mois et demi avant l’évènement, cependant, je passai plusieurs soirées au téléphone avec Ed Cooke pour concevoir un système qui me permettrait de classer et mémoriser rapidement toutes ces informations personnelles.

Je construisis cinq palais de mémoire imaginaires, un par  invité. Chaque palais avait son propre style architectural, mais ils  avaient tous le même plan au sol : plusieurs pièces de plain-pied  autour d'un patio central. Le premier était un cube de verre moderniste à la manière de la maison de verre de Philip Johnson ;  le second était une maison de style Queen Anne comme on en voit un peu partout à San Francisco, avec des tas de volutes, fleurs sculptées et autres ornements ostentatoires ; le troisième était inspiré des grands musées dessinés par Frank Gehry, avec de longs murs ondulés recouverts de plaques de titane et des fenêtres biscornues ; le quatrième s'inspirait de Monticello, la demeure virginienne en brique rouge de Thomas Jefferson ; le cinquième, enfin, n'avait rien de particulier sinon que les murs y étaient d'un bleu très lumineux. La cuisine de chaque palais devait servir de dépôt à l'adresse de son « invité », le bureau contiendrait son numéro de téléphone, la chambre principale accueillerait ses passe-temps, la salle de bains sa date d'anniversaire et ainsi de suite.

Trois semaines avant la compétition, après avoir examiné mes scores à l'entraînement, Ed Cooke m'ordonna de me consacrer exclusivement à ces palais et de cesser de me préparer aux autres épreuves. Je rassemblai quelques amis et membres de ma famille et leur demandai de s'inventer des biographies imaginaires que je mémorisai et disposai dans les pièces minutieusement élaborées de mes cinq bâtiments. Ma compagne accepta de jouer le jeu lors de plusieurs dîners bien peu romantiques : elle me raconta ses vies de fermière du Nebraska, de mère au foyer de banlieue chic ou de couturière parisienne — dont je lui répétai ensuite les moindres détails au dessert.

Et puis une semaine avant le championnat, alors que j'avais la volonté de m'entraîner plus dur que jamais, Ed Cooke m'informa que je devais impérativement tout arrêter. Les athlètes mentaux cessent toujours de travailler une semaine avant les épreuves, car ils doivent s'occuper du grand ménage de printemps de leurs palais de mémoire en s'y promenant et en les vidant mentalement de toute image résiduelle. La dernière chose dont vous avez besoin, dans le feu de la compétition, c'est de vous souvenir accidentellement d'un truc que vous avez mémorisé une semaine plus tôt. « Certains concurrents de très haut niveau ne parlent à personne pendant les trois jours qui précèdent le championnat, m'avait même dit un jour Tony Buzan. Ils estiment que toute association d'idées susceptible de s'insinuer dans leur tête risque de perturber les associations d'idées qu'ils devront élaborer pendant la compétition. »

Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous !

La mnémotechnie au Moyen Age.





 Albert le Grand.


Voici l'histoire de la mnémotechnie (qu'on appelait alors "Art de la mémoire") au Moyen Age.

1) Marcianus Capella et le De nuptiis Philologiae et Mercurii.

Pendant la terrible période de catastrophe que fut la première moitié du Vème siècle (le sac de Rome par Alaric en 410, la mort de saint Augustin pendant le siège d’Hippone par les Vandales en 430…), le Carthaginois Marcianus Capella écrivit son De nuptiis Philologiae et Mercurii, ouvrage qui préserva, pour le Moyen Âge, le schéma du système pédagogique de l’Antiquité, fondé sur les sept arts libéraux (grammaire, rhétorique, dialectique, arithmétique, géométrie, musique, astronomie). Au cours de l’exposé qu’il fait des parties de la rhétorique, Marcianus donne, dans le chapitre consacré à la mémoire, une brève description de la mémoire artificielle. On lisait La Rhétorique à Hérennius dans les cercles de rhétorique d’Afrique du Nord : Marcianus, saint Augustin, saint Jérôme le connaissaient donc parfaitement.

Cependant, Marcianus semble recommander surtout Quintilien et sa méthode pour mémoriser : visualiser la tablette, ou la page du manuscrit, sur laquelle est écrite la matière à retenir — cette matière doit être divisée en parties clairement définies et accompagnées de signes distinctifs, ou notae, pour renvoyer à des points particuliers —, et la confier à la mémoire en murmurant doucement.

2) Albert le Grand et Saint Thomas d’Aquin.

Albert le Grand et saint Thomas d’Aquin lurent le De l’invention oratoire de Cicéron et accordèrent toute leur attention aux définitions qu’il donne des quatre vertus cardinales et de leurs parties : la prudence, la tempérance, la force et  la justice. C’est pourquoi leurs traités scolastiques sur l’Art de la mémoire ne font pas partie d’un ouvrage sur la rhétorique, comme c’était le cas dans l’Antiquité, mais se sont déplacés de la rhétorique à l’éthique. Albert le Grand et saint Thomas d’Aquin traiteront de la mémoire comme d’une partie de la Prudence. Cette vertu nous apprend quatre choses : le souvenir du passé, la disposition du présent, la prévoyance de l’avenir, et la discrétion dans les choses douteuses.

L’éducation de la mémoire, conçue comme activité vertueuse et recommandée par Albert le Grand et son élève saint Thomas, dans sa Somme théologique, va connaître un développement extraordinaire. Ils ont considéré comme acquis que « la mémoire artificielle » concernait le souvenir du Paradis et de l’Enfer, ainsi que les vertus et les vices conçus comme « signes mnémoniques », qui doivent nous aider à gagner le Ciel et éviter l’Enfer.

Albert le Grand et saint Thomas d’Aquin feront également l’examen des préceptes de la mémoire artificielle en utilisant les termes de la psychologie aristotélicienne exposée dans son traité De la mémoire et de la réminiscence. En général, la rhétorique était plutôt rabaissée par la scolastique mais cette partie de la rhétorique qu’est la mémoire artificielle quitte sa place à l’intérieur du système des arts libéraux pour devenir  une partie d’une vertu cardinale, la Prudence.

Voilà. C'est tout pour le moment. Amitiés à tous.