mercredi 16 août 2017

Pause dans le blog avec le livre "Méditer, jour après jour" de Christophe André, "Donner un espace à ses émotions".



La Mélancolie de Lucas Cranach l’Ancien.


Chaque chapitre du livre Méditer, jour après jour de Christophe André est illustré par un tableau correspondant à l’état d’esprit du chapitre. Ici il s’agit de La Mélancolie de Lucas Cranach l’Ancien. L’auteur écrit au sujet de ce tableau : « C’est un mélange d’ordre et de désordre, insolite, indéchiffrable, qui met discrètement mal à l’aise. On ne saisit pas ce que le peintre veut nous dire. Puis, au bout d’un moment, on ne comprend pas mieux, mais au moins on commence à percevoir l’organisation du tableau. »

Il y a dans cette Mélancolie de Cranach du réel et de l’irréel, de la tension et du calme, de l’action et de l’ennui. Des choses que l’on comprend, à peu près, et d’autres qui nous échappent et nous dépassent. Et dont on pressent que cela nous échappera et nous dépassera toujours.

Mais n’est-ce pas souvent comme cela que se présente à nous notre propre expérience émotionnelle ?

Quand on fait de la méditation (surtout celle de pleine conscience) on accueille en soi les ressentis émotionnels négatifs ou douloureux, on leur permet simplement d'être là. Ainsi, plutôt que de vouloir chasser sa tristesse ou résoudre son inquiétude, on commence d'abord par accepter leur présence. Ce qui ne signifie pas accepter leurs messages et leurs injonctions : permettre à sa tristesse ou à son inquiétude d'être là, c'est constater que nous sommes tristes mais pas forcément croire tout ce que nous chuchote la tristesse (« Cette vie ne vaut guère la peine, à quoi bon agir ? ») ou l'inquiétude (« Il y a un danger, tu dois vite agir et trouver des solutions »).

Les patients anxieux ou déprimés n'aiment pas qu'on leur dise de commencer par permettre à leurs affects d'être là. Ça les scandalise un peu : «J'ai toujours essayé de faire le contraire, de ne pas souffrir.» Et ça leur fait peur : « Si j'ouvre les vannes, si je baisse la garde, je vais me faire engloutir par la souffrance.»

Mais non, rassurez-vous, ça ne se passera pas ainsi. Nos émotions négatives sont comme des animaux (ou des humains) que l'on voudrait calmer : plus on se jette sur elles pour les repousser, les ligoter ou les enfermer, plus elles se débattent et peuvent nous faire mal.

Nous avons plutôt intérêt à créer un espace autour d'elles pour leur permettre d'exister. Et pour nous permettre alors de les observer : dans quel état mettent-elles mon corps ? Quelles pensées induisent-elles ? Vers quoi me poussent-elles ? Ainsi, on n'est pas dans l'émotion, mais dans l'expérience de l'émotion : accueillir pour moins subir. Cela pourra parfois suffire à nous apaiser, et nous permettre alors de décider que faire.

Les émotions sont les moteurs des pensées négatives, ce sont elles qui leur donnent toute leur force, les solidifient. Accepter mes émotions, c'est désamorcer leur pouvoir  sur les pensées qu'elles poussent devant elles pour avancer masquées. Je pourrai plus facilement réfléchir à mes pensées de colère si j'ai reconnu et accepté ma colère ; plus facilement réfléchir à mes inquiétudes si j'ai reconnu et accepté mon angoisse. Alors que, si j'en reste à « mais non, je ne suis pas en colère, c'est ce qui se passe qui n’est pas acceptable » ou à « mais non, je ne suis pas inquiet, c’est la réalité qui est menaçante », ce travail sur les pensées ne se fera pas. Puisqu’elles sont, pour mon esprit, non pas pensées mais réalités et évidence. Qui serait assez fou pour contester la réalité et l’évidence ?

Quelqu’un m’a dit un jour une phrase que j’ai trouvée amusante et juste (un changement de paradigme pour moi !) : « Votre esprit est un endroit dangereux. Ne vous y rendez qu’accompagné de la méditation de pleine conscience. »


Voilà. C’est tout pour le moment. La suite au prochain numéro.