vendredi 7 avril 2017

Compte rendu de "L'art et la science de se souvenir de tout" de Joshua Foer (quatorzième partie).





Mnemosyne, la déesse de la mémoire.

Récemment est paru en livre de poche L’art et la science de se souvenir de tout qui est en fait le même livre que l’ouvrage en grand format Aventures au cœur de la mémoire (tous les deux la traduction de Moonwalking with Einstein). 

Aventures au cœur de la mémoire est un livre référence dans le monde de la mémoire. Il y est question de l’histoire de la mémoire et de la mnémotechnie, de la naissance des Mémoriades, les Championnats du monde de mémoire, en 1991, mais surtout de la manière dont un journaliste indépendant, Joshua Foer, est devenu champion de mémoire des États-Unis en 2006 alors qu’il ne savait même pas ce qu’était une technique de mémorisation un an auparavant ! Cet article est la suite de celui-ci.

Joshua Foer le présente ainsi : « Pour des raisons quelque peu obscures, il avait été décidé que les trois concurrents en tête du classement général au terme des trois premières épreuves auraient le privilège de sauter un tour, c'est-à-dire de ne pas participer à l'événement final de la matinée : le poème. En dépit d'un score assez bas aux nombres en cinq minutes, j'avais réussi, grâce à mon record aux cartes, à me hisser en seconde position derrière Maurice et devant « Ice Man » Chester. Nous allions donc tous les trois directement en quart de finale. 

Ben Pridmore nous proposa de quitter la salle de la compétition pour nous rendre à la cafétéria Con Edison. Nous primes une table tous ensemble et nous offrîmes un déjeuner cordial, quoique peu bavard. De retour au championnat, nous fûmes rejoints sur l'estrade par le consultant en stratégie Ram Kolli, le marathonien de quarante-sept ans Paul Mellor et la jeune nageuse Erin Luley. Pendant notre absence, elle avait enregistré un nouveau record des États-Unis, son second de la journée, à l'épreuve du poème.

La deuxième phase du championnat, conçue pour amplifier la tension dramatique de l'événement au profit des caméras de télévision, pouvait commencer. À l'avant de la salle, un écran géant diffusait des animations graphiques en 3D plutôt sophistiquées. Des projecteurs de théâtre inondaient l'estrade de lumière. Il y avait là six fauteuils de metteur en scène et six micros de revers avec leurs transmetteurs.

La première manche de l'après-midi, baptisée « Des mots à ne pas oublier », était une épreuve de mots aléatoires modifiée au profit de la télévision. Normalement, dans un championnat national classique, les concurrents se voient remettre une liste de quatre cents mots ; ils ont quinze minutes pour en mémoriser le maximum, prennent ensuite une courte pause, puis disposent de trente minutes pour retranscrire le plus grand nombre possible de ces mots sur une feuille de papier. Ce n'est pas à proprement parler télégénique. 

Pour le championnat des États-Unis, il avait été décidé que le « spectacle » se passerait sur la scène — avec l'espoir qu'il comporterait les furieuses torsions de mains, les mines parfois décomposées, parfois radieuses, et toutes les autres grimaceries de kabuki qui font des retransmissions de concours d'orthographe des moments si passionnants. Mes cinq adversaires et moi, nous défilerions donc l'un après l'autre sur la scène et prononcerions chacun notre tour, dans l'ordre de la liste, les mots que nous aurions mémorisés. Les deux premiers athlètes mentaux qui sécheraient sur un mot seraient éliminés.

La liste que l'on nous distribua comportait une jolie collection de substantifs et de verbes concrets comme « reptile » et « couler », qui sont les plus faciles à visualiser, assortie de quelques mots abstraits plus difficiles à imaginer comme « pitié » et « grâce ». Dans une épreuve normale de mots aléatoires, le concurrent essaie en général d'en mémoriser autant que possible, quitte à se la jouer un peu téméraire en remplissant son palais de mémoire à ras bord. Mais Ed et moi étions convenus que le système mis en place pour le championnat des États-Unis nécessitait une stratégie plus sage : mémoriser moins de mots — je devais me contenter d'en retenir tout juste cent vingt —, mais être certain de les avoir parfaitement en tête. Nous estimions que la plupart de mes adversaires seraient sans doute en mesure d'en mémoriser davantage que moi, mais que certains d'entre eux tenteraient d'en absorber bien au-delà de leurs capacités. Je ne devais pas commettre cette erreur. »

Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous !