vendredi 7 juillet 2017

Compte rendu de « Comment développer une mémoire extraordinaire » de Dominic O’Brien (neuvième partie), «Eurêka ! Ma première réussite».



Jean-Yves Ponce, un des grands mnémotechniciens français.


Pour faire suite à mes trois articles sur la mnémotechnie sur le site Virtual Magie et à mon étude Initiation au mentalisme, à l'hypnose et à la mnémotechnie, je vais écrire un compte rendu détaillé du livre qui est pour moi le meilleur des ouvrages actuels sur le sujet, Comment développer une mémoire extraordinaire de Dominic O’Brien, huit fois champion du monde de mémoire et qui était un élève à la fois lent et inattentif.

Dans le chapitre 6 « Eurêka ! Ma première réussite », il montre comment il a mémorisé un jeu de cartes entier pour la première fois.

"Comme vous connaissez maintenant l’importance des associations, je peux donc vous raconter comment j’ai finalement saisi la méthode de Creighton Carvello. J’ai compris que je devais cesser d’établir des listes et de chercher des réponses ailleurs ; il me fallait plutôt tirer profit de la formidable créativité qui bouillonnait en moi. Vous possédez également cette créativité. Voilà pourquoi mes techniques peuvent transformer votre mémoire, comme elles ont transformé la mienne.

Comment ai-je mémorisé mon premier jeu de cartes ? J’ai commencé par regarder attentivement chaque carte, afin de découvrir si elle m’évoquait une personne ou un objet familier. J’ai observé le valet de cœur, et son visage m’a rappelé mon oncle ; le 5 de pique, quant à lui, m’a paru ressembler à une main tendue, et le 10 de carreau m’a rappelé la porte du 10 Downing Street (le carreau, qui ressemble à un diamant, évoque pour moi la richesse, et le 10 Downing Street est l’endroit où le Premier ministre s’occupe des finances de la Grande-Bretagne). Pour mémoriser ces trois cartes dans l’ordre, j’ai utilisé la méthode que vous avez employée pour l’exercice précédent. J’ai imaginé mon oncle (le valet de cœur) utilisant son poing (le 5 de pique) pour frapper à la porte du 10 Downing Street (le 10 de carreau).

Lentement mais sûrement, j’ai donné une identité à chaque carte, jusqu’à ce que je les aie toutes codées. Ensuite, je me suis mis à l’ouvrage. La première fois, il m’a fallu un peu moins d’une demi-heure pour intégrer toutes les cartes du jeu à une histoire. Mon oncle volait dans les nuages en lançant des oranges depuis un hamac ruisselant de miel. Jack Nicklaus (un golfeur, mon roi de trèfle) passait l’aspirateur sur un couple de cygnes (le 2 de cœur, parce que le chiffre 2 est représenté par des cygnes dans le système des formes – voir p. 83 – et parce que le cœur me rappelle un bec recourbé) ; et ces cygnes crachaient en direction d’un bonhomme de neige (le 8 de carreau, car le bonhomme a la forme d’un 8, et je l’imaginais avec un collier de glaçons en forme de diamants). À la fin de cette épuisante saga, j’ai retourné les cartes et je me suis préparé à les nommer à tour de rôle. J’ai réussi à me rappeler 41 cartes sur 52, dans l’ordre. Pas si mal pour une première tentative !

C’était un bon départ, mais ce n’était pas parfait. Peu importe l’efficacité de mon système, il me semblait toujours impossible de répéter l’exploit de Carvello. Après tout, il avait mémorisé un jeu complet en seulement 2 minutes et 59 secondes ! Toutefois, je ne me suis pas découragé. Je savais que j’étais à deux doigts de la réussite. En raison de mes progrès évidents et mesurables, j’étais plus déterminé que jamais à améliorer mon système. Je voulais découvrir la stratégie de mémorisation parfaite.

Mon premier codage de cartes.

J’ai continué de m’exercer à la mémorisation des cartes à l’aide de la méthode du scénario. J’ai alors remarqué que j’étais capable de lier de petites séquences de cartes, mais que, lorsque j’arrivais à un maillon faible de la chaîne, une carte m’échappait. Laissez-moi vous expliquer, à l’aide d’exemples concrets, le code que j’ai conçu pour venir à bout de cette difficulté.

Le 6 de carreau est un avion. D’une part, la forme du 6 évoque celle du moteur d’un avion ; d’autre part, l’avion est une façon onéreuse de voyager, ce qui correspond au carreau (ou diamant), qui est associé à la richesse.

Le 4 de carreau représente de l’argent. J’imagine cette carte comme un ensemble de pièces de monnaie bien agencées dans un carré.

Le 5 de trèfle est mon chien. Le chien de ma tante s’appelait Sally, et la première lettre de son nom, S, ressemble à un 5. Ce jack russell m’a poussé à adopter un chien à mon tour. Par ailleurs, le club (trèfle en anglais) est aussi une arme, et le jack russell est un bon chien de chasse.

Le 8 de cœur est un nuage. Selon ma perception, le 8 et le cœur ressemblent à des nuages blancs et duveteux.

Le 4 de pique est ma voiture. Mon automobile est évidemment munie de quatre roues, et le pique me fait penser à un pneu.

Le 3 de pique est une forêt. Le pique a trois côtés et ressemble à un arbre.

Mon système repose sur trois catégories : les gens et les animaux, les moyens de transport, les lieux. J’ai noté le nom de chaque carte, je l’ai mis en relation avec un code que j’ai écrit à côté de ce nom, puis j’ai mémorisé les paires. Cela peut vous paraître laborieux. Pour accélérer le processus, j’ai parfois fait des associations automatiques (le 7 de carreau avec James Bond, l’agent 007 dans le film Les diamants sont éternels, et le 9 de trèfle avec Nick Faldo, le golfeur, parce que son prénom commence par la même lettre que le chiffre 9 et parce que le terme club, en anglais, désigne à la fois le trèfle des jeux de cartes et un bâton de golf). 

J’étais motivé car je savais, qu’une fois les codes appris, je me rapprocherais de mon objectif : répéter l’exploit de Carvello, voire faire mieux que lui.

J’ai ensuite utilisé la méthode des liens : j’ai inventé des histoires en liant mes codes dans le bon ordre. Pour moi, certaines séquences étaient plus faciles à mémoriser que d’autres. Par exemple, si les cinq premières cartes étaient le 3 de pique, le 5 de trèfle, le 4 de carreau, le 6 de carreau et le 8 de cœur, j’imaginais une forêt où mon chien aboyait en poursuivant de l’argent. Un avion atterrissait, le pilote s’emparait de l’argent, puis l’appareil disparaissait dans les nuages. L’histoire était sensée, ordonnée et logique ; je pouvais donc la mémoriser aisément.

Cependant, toute modification de la séquence causait des problèmes. Supposons l’ordre suivant : 6 de carreau, 3 de pique, 5 de trèfle, 8 de cœur et 4 de carreau. J’imaginais un avion volant dans la forêt, où mon chien jappait. Toutefois, celui-ci devait par la suite s’envoler dans les nuages, où il y avait de l’argent. Le lien entre le chien et les nuages était ténu. Le récit n’était pas crédible, car ce maillon était trop faible.

Le respect de la logique n’était pas mon seul problème. En effet, quand les liens associant mes concepts n’étaient pas assez forts, je dépensais beaucoup d’énergie à sauter d’une scène à l’une. C’était épuisant et long. 

Finalement, j’ai eu une révélation : j’ai compris que j’utilisais les bons ingrédients, mais dans le mauvais ordre. Je ne devais plus associer certaines cartes à certains endroits, mais plutôt imaginer un lieu déterminé dans lequel je pourrais positionner les objets, les animaux ou les personnes correspondant aux cartes de façon séquentielle. Tant que les points de repère suivraient un ordre naturel et que les liens entre les cartes et le lieu seraient solides, je pourrais me rappeler parfaitement de la séquence. Et voilà, j’avais trouvé le Saint Graal de mon système de mémorisation : la méthode du parcours.

L’excitation de la réussite.

Lorsque j’ai compris le défaut de ma méthode et que j’ai su comment je réglerais mon problème, j’ai eu un immense accès de confiance en moi, comme l’alchimiste qui transforme le fer en or. C’était tout ce dont j’avais besoin pour m’exercer sans relâche, jusqu’à ce que, grâce à ma mémoire, je puisse répéter l’exploit de Carvello. À mon avis, cette confiance m’a transformé bien plus que le code de cartes. Elle m’a enseigné qu’avec un peu de volonté et de technique tout est possible, ce que mes années d’école n’avaient pas réussi à faire.


Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.

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