dimanche 26 mars 2017

Compte rendu de « Mnémosyne » de François Boutonnet (première partie).





 Le livre de François Boutonnet.

Mnémosyne, une histoire des arts de la mémoire de l'antiquité à la création multimédia contemporaine de François Boutonnet est un beau résumé de l'histoire de la mnémotechnie. C'est lui qui décrit le mieux la vie et le système de Giordano Bruno

Giordano Bruno, né en janvier 1548 à Nola en Italie et mort le 17 février 1600 à Rome brûlé vif par l’Inquisition, était un frère dominicain et un philosophe. Il fait partie du mouvement néo-platonicien qui se développe à la Renaissance.

Au XVI ème siècle, Giordano Bruno se propose déjà de mémoriser l'univers tout entier grâce à la série des correspondances et des associations, unifiées par le système céleste. Il porte ainsi à leur apothéose les Arts de la Mémoire.  Les trois courants que sont l'Hermétisme, la Mnémonique et le Lullisme se trouvent étroitement emmêlés dans la personnalité complexe et la mission de Giordano Bruno qui se passionne pour l'Art de Raymond Lulle et compose sur le sujet plusieurs ouvrages en latin : De la lampe combinatoire de Lulle, De la lampe à traquer la logique... Tandis que la vieille physique aristotélicienne s'épuisait dans une crise mortelle, se firent jour les doctrines alchimiques et magiques, c'est-à-dire les techniques ayant pour but de changer les choses, les arts expérimentaux qui, dans leur impiété, entendaient transgresser les lois naturelles et renverser l'ordre physique, désorbiter les astres, transformer les vivants et ressusciter les morts. Giordano Bruno tente une synthèse hardie de l'Art de la Mémoire classique et de l'Art lullien, en animant des combinatoires d'images. Il a l'idée de disposer sur les roues dentées des dispositifs de Raymond Lulle, non plus des lettres, mais les scènes frappantes et les êtres étranges des anciens Palais de Mémoire. « Le cercle intérieur constitue la roue des images stellaires, la centrale d'énergie de la mémoire qui fonctionne magiquement.» Des roues dentées où s'inscrivent des images en mouvement ?

Les dispositifs de Giordano Bruno se révèlent bien plus complexes que de simples artifices mnémotechniques. Ils valent surtout comme modèle de connaissance idéale, comme instrument heuristique susceptible d'actualiser l'infinité des relations et des combinaisons composant la trame du réel. Construire les images, travailler avec elles, n'est pas pour Giordano Bruno (comme il en était déjà pour Giulio Camillo) se livrer à une opération quelconque, à un acte arbitraire, seulement lié à des critères subjectifs d'efficacité ; cela veut dire au contraire prendre possession des ombres, des sceaux que les idées ont laissés dans le monde, et reparcourir ces traces d'ombres projetées dans la pluralité des choses visibles.

Le héros de Giordano Bruno est un manipulateur accompli des fantasmes et des images. Dans ses fureurs, dans ses transes, il atteint une sorte d'état second, la forme suprême de l'extase, celle où l'imaginatum caelum (le monde intelligible ainsi qu'il est imaginé par l'opérateur au cours de sa pratique de manipulation des fantasmes) correspond à la réalité transcendantale. Giordano Bruno prétend à une sorte de magie opérative, de maîtrise opérationnelle des fantasmes. Dans De vinculis in genere (Des liens en général), il s'agit de lier, de prendre, de fidéliser ceux sur qui on veut avoir de l'influence.  Giordano Bruno et tout le courant néoplatonicien de la Renaissance attribuent une grande puissance aux fantasmes, à l'apprentissage de leur manipulation et à leur transmission. Le fantasme prend ainsi la primauté absolue sur la parole, précédant à la fois l'articulation et l'entendement de tout message linguistique. Les questionnements ouverts par Giordano Bruno avec la manipulation des fantasmes, concernent donc d'abord le statut des images. A l'anima mundi, se substitue l'imago mundi. 

Dans Des ombres des idées (De umbris idearum - 1582), Giordano Bruno propose une version occulte de l'Art lullien de la mémoire, et fait appel aux imageries magiques pour disposer les astres et tous leurs attributs sur les roues combinatoires de Lulle. C'est aller précisément à l'encontre de la méthode de Lulle, qui avait soigneusement évité les images. Son nouveau système mnémotechnique se fonde sur des roues concentriques de trente compartiments, qui correspondent aux vingt-trois lettres de l'alphabet latin, à quatre caractères grecs et trois caractères hébraïques. Giordano Bruno charge ces lettres d'une symbolique empruntée aux hiéroglyphes égyptiens qui prenaient pour désigner des objets particuliers, des figures empruntées à la nature ou aux parties des choses. Ce dispositif est inspiré de l'Ars brevis de Raymond Lulle, et de la combinatoire de la Cabale. Il permet de produire des images de mémoire correspondant à tous les mots, en associant des figures mnémoniques à leurs différentes syllabes. Les combinaisons potentielles de ces roues engendrent l'infinité des mots, et leurs représentations imaginaires.

Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.

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