vendredi 6 janvier 2017

Un de nos grands historiens de la prestidigitation, Fanch Guillemin, compte rendu de « Histoire de la magie blanche avant Robert-Houdin », « La double vue » (quatrième partie)




Le livre de Harry Houdini




Fanch Guillemin, outre le fait d’être une personne très chaleureuse et très sympathique, est selon moi un de nos meilleurs historiens de la prestidigitation. Il est l’égal, à mon avis, de grandes sommités comme l’américain William Kalush, l’allemand Volker Huber, l’écossais Edwin Dawes ou l’italien Mariano Tomatis.

Mon livre préféré de Fanch Guillemin est l’Histoire de la magie blanche avant Robert-Houdin. Cet ouvrage est d’un contenu extraordinairement original et comporte de nombreuses superbes illustrations mais malheureusement, il est difficile à trouver actuellement. 
 
Comme ce blog porte sur le mentalisme, je vais évoquer aujourd’hui la double vue (ou télépathie) (voir aussi cet  article   et celui-ci ).

Avant toute chose, il faut signaler un débat qui existe en histoire de la prestidigitation. Robert-Houdin a-t-il inventé le numéro de seconde vue en novembre 1845 ou a-t-il eu des précurseurs ? Personnellement, je pense qu’il l’a porté à un grand niveau de perfection mais que, constamment dans la littérature magique, il y a eu des allusions à ce thème. J’ai, pour étayer mon argumentation, deux sources : Mentalistes de jadis de Fanch Guillemin et Pierre Taillefer et The Unmasking of Robert-Houdin de Harry Houdini (qui en plus d’être magicien était un grand collectionneur). Dans Mentalistes de jadis, p.14, dans le chapitre sur « La divination des pensées (seconde vue, codes, bandeau sur les yeux) », les auteurs citent le livre du moine franciscain Luca Pacioli (fin du XV ° siècle) De Viribus Quantitatis, où diverses techniques de transmissions de pensées truquées sont exposées (utilisation de compères, communication par code avec un enfant éduqué à cet effet) : « Tu pourras aussi apprendre à cet enfant, tout en étant enfermé ou en ne regardant pas, à deviner quelle carte a été prise par des spectateurs sans les voir. Il faudra pour cela te mettre d’accord avec lui grâce à des nombres : en donnant un numéro aux figures et aux cartes selon les tours et selon un accord passé entre vous, vous divertirez grandement la galerie […]. »

Quant à Harry Houdini dans The Unmasking of Robert-Houdin, chapitre 7 “Second sight” (p. 209 dans l’édition que je possède), il cite deux magiciens qui, selon lui, pratiquaient la télépathie truquée avant Robert-Houdin, l’allemand Philip Breslaw et l’italien Giuseppe Pinetti. Houdini donne même (p. 210) la copie d’un programme de Pinetti dans le London Post de décembre 1784 où il est question de double vue. Il note aussi que Henri Decremps dans son ouvrage La magie blanche dévoilée propose déjà en 1784 un tour de seconde vue « Les cartes devinées, les yeux bandés » (chapitre 14).

Dans son ouvrage l’Histoire de la magie blanche avant Robert-Houdin, Fanch Guillemin parle des mémoires du marquis de Bombelles où celui-ci semble certain d’avoir été abusé par un numéro de télépathie truquée.

Le 15 avril 1785, le marquis de Bombelles assista à Paris à une séance de double vue présentée par le marquis de Puységur, disciple de Mesmer, et sa somnambule Magdeleine. Cette dernière, les yeux bandés, indiquait les objets « pensés » et accomplissait des gestes désirés « mentalement » par les spectateurs.

Voici un extrait des mémoires du marquis de Bombelles (1744-1822) :
«  Dès que Magdeleine a été endormie, M. de Puységur nous a dit qu’en mettant l’un de nous en communication avec elle, nous lui ferions faire ce que nous voudrions…
Madame de Genlis annonçait dans sa contenance qu’en cédant à la curiosité, elle ne venait que pour être plus certaine de voir de misérables tours de gobelets. Cependant, elle a paru aussi surprise que nous du fait suivant… On avait bandé les yeux à Magdeleine.
M. de Jarnac, tout en plaisantant à part lui, a pensé sans que rien ne pût dénoter cette pensée, qu’il voulait que Magdeleine sentit le bouquet de Madame de Genlis. Elle a obéi à cette pensée avec précision… Le Comte de Puisigneux avait mis dans sa poche des gants, un éventail et des pelures d’orange. Il avait prévenu la comtesse de Ségur qu’il voudrait que Magdeleine prît dans ces trois choses les pelures ; cela s’est fait exactement, etc…
Il a été connu, depuis, que Magdeleine était une habile drôlesse et moi en compagnie de grands sots. Il se pouvait aussi que parmi nous il y eût quelques drôles. »

Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.

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