vendredi 4 novembre 2016

Compte rendu de « Vouloir sa vie, la Gestalt-thérapie aujourd’hui » de Gonzaque Masquelier, cinquième partie.




Gonzague Masquelier


J’ai déjà évoqué dans ce blog deux types de méthodes psychologiques récentes, les thérapies comportementales et cognitives et la programmation neuro linguistique. Je vais aborder à présent une des méthodes les plus actuelles, la Gestalt-thérapie, à travers le livre de Gonzague Masquelier, Vouloir sa vie, la Gestalt-thérapie aujourd’hui

Noël Salathé, dans son livre Psychothérapie existentielle : une perspective gestaltiste, parlait des « contraintes existentielles », c’est-à-dire de réalités incontournables auxquelles nous ne pouvons échapper et qui génèrent en nous une forme d’angoisse, propre à la destinée humaine. La mort, par exemple, est inéluctable et peut créer peur, refus, dépression, etc. Le fait d’avoir été « jetés dans le monde » comme le dit Heidegger, séparés de notre mère, fait que nous éprouvons des angoisses existentielles (le sentiment de déréliction).

Gonzaque Masquelier, quant à lui, préfère parler de pressions existentielles, c’est-à-dire d’une source d’énergie qui, bien évidemment, peut générer de l’angoisse, mais également de la joie de vivre, de l’enthousiasme. La vie est constamment une recherche d’équilibre : si je suis trop pressé ou « empressé », j’étouffe, j’angoisse, mais quelle tristesse que la dépression !

Les cinq pressions principales définies par les existentialistes sont 1) la finitude, 2) la solitude, 3) la responsabilité, 4) l’imperfection et 5) la quête de sens. Pour chacun de ces thèmes je vais aborder les manifestations psychiques qu’il engendre et comment la Gestalt-thérapie peut nous aider à trouver nos propres réponses.

1) La finitude

Très tôt, l’enfant se heurte à la réalité de la finitude, c’est-à-dire à celle de la mort. Tout être vivant, mais également une activité ou un objet, connaît une fin (dans notre pensée occidentale). Cette prise de conscience ne se réalise pas forcément au moment d’un décès dans la famille mais peut avoir lieu lors de la disparition d’un animal favori ou de la casse d’un jouet par exemple. Bien d’autres évènements nous placent ensuite sous cette pression existentielle : le divorce est la mort d’une relation de couple, le chômage est la rupture d’une activité professionnelle, une dispute peut être la fin d’une amitié.
Quelles sont nos stratégies personnelles par rapport à cette réalité ? Nous avons trois grandes options :

a) Nous parlons de « contrainte » et nous nous heurtons à un mur sur lequel nous allons nous fracasser, c’est le chemin de la dépression : à quoi bon démarrer une relation affective si elle doit s’arrêter un jour ? A quoi bon s’investir dans un travail si je risque de le perdre ? A quoi bon vivre si je peux mourir demain, si, de toute façon, tout doit s’arrêter un jour ?

b) Soit nous cherchons à nier cette contrainte en oubliant la mort, en la niant. La société actuelle prépare peu à cette donnée humaine : on éloigne les vieux, les cimetières, on meurt à l’hôpital.

c) Soit nous parlons de « pression existentielle » et comme nous avons une pression, cela nous engage à agir plus qu’à ne rien faire puisque notre vie est limitée.

Beaucoup de nos actes peuvent être interrogés comme une réponse, notre réponse personnelle à cette finitude. Avoir des enfants est une façon de se prolonger par sa descendance ; bâtir une maison, écrire un livre, faire un blog, ne sont-ils pas des réponses partielles à la finitude ? Au sujet de ses œuvres, le poète romain Horace écrivait : « J’ai réalisé un monument plus durable que le bronze. ». Et il n’avait pas tort puisque nous nous le lisons encore maintenant. De manière générale, s’investir complètement dans une recherche, dans une passion, est une manière de transmettre son nom dans le futur.

La Gestalt, que certains appellent la thérapie de l’ici et maintenant, s’est placée au cœur même de cette interrogation. C’est-à-dire, ici et maintenant, avec notre passé, avec notre futur dont nous savons qu’il est limité (dans la pensée occidentale qui est en général notre pensée) qu’est-ce que nous décidons de faire ? Face à cette réalité incontournable qu’est la finitude, nous pouvons trouver, si nous les cherchons, de multiples manières de nous positionner.

Voilà. C’est tout pour le moment. La suite au prochain numéro. Amitiés à tous.

Compte rendu de « Vouloir sa vie, la Gestalt-thérapie aujourd’hui » de Gonzaque Masquelier, quatrième partie.




La théorie de l'âme sœur en amour selon Platon dans Le banquet


J’ai déjà évoqué dans ce blog deux types de méthodes psychologiques récentes, les thérapies comportementales et cognitives et la programmation neuro linguistique. Je vais aborder à présent une des méthodes les plus actuelles, la Gestalt-thérapie, à travers le livre de Gonzague Masquelier, Vouloir sa vie, la Gestalt-thérapie aujourd’hui.

La Gestalt-thérapie, comme toute thérapie psychologique, s’appuie sur une réflexion philosophique, c’est-à-dire un questionnement sur l’homme, son évolution, son avenir. Une philosophie est également une interrogation sur le bien et le mal, le sens de la vie, la spiritualité.

L’existentialisme est une des sources les plus fécondes de la Gestalt et cela mérite que l’on s’y attarde. C’est Noël Salathé qui a le mieux favorisé les apports de la philosophie existentialiste à la thérapie gestaltiste ; il définit d’ailleurs la Gestalt comme « l’antenne thérapeutique de l’existentialisme » (voir son livre Psychologie existentielle : une perspective gestaltiste).

La démarche gestaltiste repose sur deux concepts existentialistes fondamentaux : le postulat de la liberté et celui de la responsabilité.

1) Le postulat de la liberté est un axe central : l’homme n’est pas prédestiné, il recrée chaque jour son existence. Il n’est pas entièrement déterminé par son inconscient, « son Œdipe » ou ses pulsions. Il recherche chaque jour les conditions de son équilibre. La thérapie est donc l’occasion d’élargir son « éventail des possibles », afin de développer l’ « ajustement créateur ». L’objectif est de rétablir la capacité de choisir. Cette posture est bien illustrée par une pensée de Sartre : « L’essentiel n’est pas ce qu’on a fait de l’homme, mais ce qu’il fait de ce qu’on a fait de lui. » Nous ne sommes pas marqués à tout jamais par notre passé. Notre vie nous est la plupart du temps imposée mais il en reste une partie qui est à créer.

2) Le corollaire de ce postulat de la liberté, le « prix à payer » si l’on utilise l’espace de liberté que nous possédons chaque jour, est le sentiment de responsabilité. Se sentir responsable de ses actes, développer sa capacité de choisir, peut faire monter l’angoisse. Karen Horney, une des thérapeutes avec lesquels Fritz Perls a été en analyse, décrit l’angoisse comme existentielle, c’est-à-dire inscrite au cœur même de l’humanité. La sexualité et l’agressivité seraient alors des réponses saines à l’angoisse existentielle de base. Elles permettraient la survie de l’espèce.

Freud a placé la sexualité comme axe central du développement humain. Le premier livre de Perls est une critique de cette position théorique. Nous pouvons envisager la sexualité comme une des composantes du psychisme humain, une donnée fondamentale mais pas unique. Il faut aussi distinguer la « génitalité » (qui désigne l’acte sexuel) de la sexualité qui est une notion beaucoup plus vaste, concernant à la fois le plaisir et le manque.

La sexualité peut en effet être vécue comme un sentiment de manque, d’incomplétude : un individu ne peut se suffire à lui-même, ni pour la reproduction, ni pour l’accès au bonheur total. Il ne pourra jamais connaître « l’autre moitié du monde ». Il peut essayer de nier cette frustration et se replier sur lui-même en s’espérant autosuffisant, mais il retrouve alors la solitude. Il peut multiplier les rencontres avec l’espoir qu’un jour une personne comblera complètement son vide, son manque. Il peut aussi entrer en fusion avec quelqu’un. Mais ces stratégies sont souvent vouées à l’échec ou imposent un énorme renoncement. Nul n’a d’« âme sœur parfaite » qui comblerait tous ses manques, tous ses désirs, même si le philosophe Platon prétendait le contraire dans Le banquet.

Voilà. C’est tout pour le moment. La suite au prochain numéro. Amitiés à tous.